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Dans un curieux jeu de miroirs entre passé et présent, le boom du vélo dans la France des années 30 trouve écho dans notre société contemporaine. A l’époque, avec 9 millions de vélos pour une population de 40 millions de Français, les rues étaient animées par de nombreux cyclistes. Les artisans utilisaient des vélos bi-porteurs et les ouvriers se rendaient au travail à bicyclette. Les embouteillages quotidiens de cyclistes témoignaient de l’engouement généralisé pour ce mode de transport rapide et pratique.

Sortie d’usine entre-deux-guerres

Aujourd’hui, avec 17 millions de vélos pour 68 millions de Français, c’est la même fièvre cycliste qui s’empare du pays. Les livraisons à vélo cargo se multiplient, et la piste cyclable du Boulevard Sébastopol à Paris voit défiler chaque jour pas moins de 15 000 amateurs de deux-roues.

Ce regain de popularité ne s’est pas fait sans difficultés. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la motorisation était le symbole même de la modernité. Les deux-roues motorisés ont relégué la « petite reine » au second plan, avant que l’avènement des voitures légères et abordables ne sonne le glas de sa pratique utilitaire.

Mais le vélo est résilient et resurgit régulièrement lors de situations de crises. Seul moyen de transport après le tremblement de terre de Kobe en 1995, il est aussi utilisé lors de la crise sanitaire de 2020. Lorsque les transports en commun deviennent des foyers potentiels de contamination et que les rues se vident de leurs voitures, le vélo devient à la fois un geste barrière et un moyen de déplacement efficace : la fréquentation des pistes cyclables françaises explose (+30% chaque année entre 2019 et 2021).

Aujourd’hui, bien que la crise sanitaire soit terminée, la pratique est restée. Le vélo attire de nombreux adeptes, qu’ils soient motivés par des convictions écologiques, un gain de temps, leur santé ou des économies financières.

En tant qu’investisseur engagé dans la décarbonation de la mobilité, 574 Invest vous propose une plongée au cœur de l’écosystème des start-up de l’économie du vélo.

Succès du vélo à assistance électrique

Le boom actuel du vélo ne peut être évoqué sans mentionner les vélos à assistance électrique (VAE). Face à un déclin des ventes de vélos traditionnels (– 16% en volume) en 2023, le marché des VAE reste relativement résilient (– 9% en volume). Ces chiffres à la baisse semblent refléter des tendances conjoncturelles plus que des changements structurels. Ils découlent d’une surproduction post-Covid et des pressions sur le pouvoir d’achat des foyers. En dépit de ces fluctuations, l’usage du vélo continue à prendre de l’ampleur.

Prenons l’exemple de l’Île-de-France, selon une enquête récente sur la mobilité des Franciliens, le vélo occupe désormais une place prépondérante, représentant 11,2% des déplacements intra-muros, dépassant ainsi la part modale des voitures (4,3%) pour la première fois. Les interventions de l’État, telles que le bonus vélo ou la prime à la conversion ont stimulé l’adoption du vélo. De même, les collectivités locales ont joué un rôle important, allant au-delà des incitations financières pour proposer des solutions pratiques telles que Véligo Location, une offre d’abonnement VAE à prix attractif mise en place par Île de France Mobilité. Avec seulement 6% des utilisateurs qui abandonnent le vélo après leur période d’abonnement, cette offre d’appel est un moyen efficace pour stimuler la pratique.

Par ailleurs, les réseaux de vélos partagés sur station, incluant vélos électriques et mécaniques, ont contribué à populariser le vélo dans les villes, avec une hausse de 13% de la fréquentation entre 2022 et 2023. Les offres proposées par les acteurs de la micromobilité comme Lime, Tier ou Pony ont aussi participé à la démocratisation du vélo électrique (+20% utilisateurs entre 2022 et 2023). Il est intéressant de noter que les vélos suscitent généralement un accueil plus favorable de la part des municipalités que les trottinettes électriques. Ainsi, pour répondre au mieux aux appels d’offres et s’adapter à cette dynamique, les acteurs de la micromobilité tendent à accroître la proportion de vélos dans leur flotte (+50% entre 2022 et 2023).

Des vélos adaptés à chacun

L’écosystème tech a assisté ces dernières années à la naissance de nouveaux acteurs du VAE, apportant des innovations pour des nouvelles cibles de clients. Van Moof, Cowboy ou le français Voltaire ont ajouté une véritable dimension tech au vélo électrique traditionnel avec le déverrouillage à distance ou la géolocalisation avec une application mobile. Ces vélos plaisent particulièrement à une clientèle urbaine et jeune. Mais les vélos électriques ne se limitent pas à l’aspect high-tech : les modèles cargos et familiaux ont également le vent en poupe. Pratiques pour les courses du quotidien ou les trajets avec les enfants, les vélos « long-tail » gagnent en popularité et deviennent une véritable alternative à la voiture. Des start-up telles que Gaya et Urban Arrow ont investi ce créneau en plein essor.

L’assistance électrique connaît un tel succès, que certaines start-up se positionnent sur l’électrification des vélos musculaires. Ainsi, Clip propose un accessoire à fixer sur sa roue de vélo pour électrifier son trajet tandis que Teebike a créé une roue motrice électrique pour remplacer la roue avant de son vélo musculaire.

Innovation des modèles économiques

Cette innovation de produits va de pair avec la création de nouveaux modèles économiques. Acquérir un VAE, vendu en moyenne 2 000€, représente un investissement conséquent. Certains préfèrent opter pour des alternatives comme les abonnements de location longue durée (LLD) proposés par des entreprises telles que Dance ou le français Motto. Ces nouvelles formules permettent de profiter des avantages d’un vélo électrique personnel, de bénéficier de services de maintenance et d’assurance, tout en évitant le coût initial d’achat.

De même, le vélo de fonction, pris en charge en partie par l’employeur, se présente comme une solution attrayante pour réduire la charge financière liée à l’acquisition d’un VAE. Des entreprises telles que Zenride, Tandem ou Starbolt se positionnent sur ce créneau pour aider les entreprises à proposer ce nouveau service à leurs collaborateurs. Pour les employeurs, c’est une double victoire : une empreinte carbone réduite et une qualité de vie au travail améliorée, le tout avec des avantages fiscaux attrayants. Pour les employés, c’est l’opportunité d’avoir un vélo à utiliser tant pour le travail que pour les loisirs, avec des économies financières significatives à la clé. Pour ceux qui utilisaient leur voiture pour se rendre au travail, c’est une économie sur l’assurance et le carburant. Et pour ceux qui envisageaient d’acheter un vélo, c’est une alternative bien plus abordable.

D’autres alternatives existent également. Mis en place il y a quatre ans, le Forfait Mobilité Durable (FMD) offre aux employés une allocation financière pour leurs déplacements domicile-travail, à condition que ceux-ci soient écologiques. Des start-up comme Betterway et Skipr permettent ainsi aux employés de payer leur abonnement mensuel de vélo ou d’utiliser des vélos en libre-service pour certains trajets, favorisant ainsi une approche flexible de la mobilité verte.

Enfin, des start-up comme Zoomo ou VélyVélo proposent aussi ce modèle de location longue durée, mais pour une typologie de clients spécifiques : les livreurs professionnels. En effet, l’utilisation du vélo comme moyen de livraison en ville, connaît un franc succès. Permettant de réduire les émissions de carbone et bien souvent de gagner du temps, des acteurs tels que Stuart développent des offres de livraison « last-mile » décarbonées.

Des start-up pour accompagner les usages

Lorsque les Français sont interrogés sur ce qui pourrait les inciter à utiliser davantage le vélo, la mise à disposition de lieux de stationnement sécurisés arrive en bonne position. En effet, le vol est un des défis majeurs associés à l’usage du vélo.

En matière de stationnement, la sécurisation des vélos est essentielle pour prévenir les vols. Des start-up comme 12.5 transforment des places de parking souterrain en espaces dédiés aux vélos, tandis que des entreprises comme La Ruche à Vélos installent des garages à vélos automatisés et sécurisés. Des solutions complémentaires émergent en parallèle. Par exemple, la start-up Velopass permet de doter son vélo d’une véritable immatriculation pour réduire le marché noir et dissuader les voleurs. En cas de vol de sa monture, des néo-assurances spécialisées dans l’assurance des vélos comme Sharelock ou Laka permettent de s’assurer une compensation financière.

En parallèle, les vélos électriques nécessitant plus d’entretien, de nombreuses start-up spécialisées dans la réparation des vélos ont émergé. Parmi elles, Cyclofix assure un service de réparation à domicile en moins de 48h. Sur un autre modèle, BikiFix propose la brique SaaS de gestion de prise de rendez-vous dans les ateliers de réparation professionnels – une sorte de « Doctolib » du vélo – offrant une expérience digitalisée aux cyclistes soucieux de l’entretien de leurs véhicules.

Enfin, des start-up comme Upway et Loewi se sont positionnées sur le créneau du reconditionnement et de la revente de VAE. Cette démarche permet aux consommateurs de se procurer des vélos électriques remis à neuf à des prix nettement plus abordables. D’autres start-up, comme Barooders, se concentrent exclusivement sur la revente de vélos, laissant le reconditionnement aux mains d’autres acteurs spécialisés.

Sources :

  • « Les ventes de vélo ont nettement reculé en 2023 », Le Monde, 2024.
  • Enquête régionale sur la mobilité des Franciliens, L’institut Paris Région, 2024.
  • Rapport sur le renouvellement de la DSP Véligo Location, Île de France Mobilités, 2023.
  • European Shared Mobility – Annual Review 2023, Fluctuo, 2024.
  • Guide d’achat « Bien choisir son vélo électrique », Que Choisir.
  • CGDD/SDES, Enquête sur les pratiques environnementales des ménages, 2016.

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